A chaque édition, la biennale
se métamorphose

La biennale de Rennes est un rendez-vous singulier de l’art contemporain. A chaque nouvelle édition, la biennale se réinvente. Si les lieux d’exposition et les artistes invités changent, la Biennale reste fidèle au thème initial, à la même ambition qui a présidé à sa création par Art Norac en 2008 : interroger les liens entre deux mondes, celui de l’art contemporain et celui de l’entreprise. Ce positionnement et le fait qu’elle soit portée par le mécénat d’un groupe privé – le Groupe Norac – font de la biennale un rendez-vous artistique singulier.
L’édition 2016 apporte une nouvelle dimension aux liens entre art et entreprise, et ouvre encore plus cette thématique originelle. « Je l’étends à l’idée d’économie, pas seulement entrepreneuriale. Ce qui est intéressant ce sont les effets de l’économie sur l’existence. Les artistes sont bien placés pour donner une sensibilité à des affects, des symptômes et des ressentis qui sont largement provoqués par l’économie. Elle nous affecte tous dans nos modes d’existence, dans nos rythmiques, dans nos manières de nous sentir inclus ou exclus. Economie et politique sont indissociables » résume François Piron, commissaire de la Biennale.
« J’avais envie d’étendre le nombre de sites de la biennale »
« Rennes est une ville à la taille idéale pour une biennale qui se dissémine dans 10 lieux, mais aussi sa population étudiante est un atout pour un tel événement » explique le commissaire de la 5ème édition dont le titre « Incorporated ! » fait référence au vocabulaire de l’entreprise. Le directeur artistique connaît bien la ville pour y avoir étudié, dans les années 1990. Pour son retour en terrain connu, il a imaginé une nouvelle géographie à la biennale et une nouvelle approche.
« J’avais envie d’étendre le nombre de sites de la biennale, d’être davantage dans l’espace public, de ne pas travailler uniquement avec des institutions établies mais de mettre en lumière des initiatives plus individuelles, des lieux autogérés, des lieux de plus petite taille qui sont constitutifs d’une scène artistique » explique le commissaire. La Biennale s’exposera également hors de Rennes avec 3 autres lieux en Bretagne : à l’école des Beaux-Arts de Saint-Brieuc, la Passerelle à Brest et Le Quartier à Quimper.
- Voir le programme complet sur le site des Ateliers de Rennes – biennale d’art contemporain
Ouvrir l’art à d’autres publics

Autre particularité, près de deux tiers des œuvres présentées ont été créées spécifiquement pour les lieux choisis pour affirmer « une énergie, un engagement des artistes ». En s’appuyant notamment sur une scène de l’art organique à Rennes et installer des œuvres dans l’espace public ou dans des lieux de transaction. Surprendre un public plus large que la communauté des amateurs d’art contemporain, c’est le credo choisi par les Ateliers de Rennes cette année.
« Mettre en lumière » les lieux artistiques de Rennes
« L’idée c’est de croiser des publics, par exemple dans des lieux comme Lendroit éditions, en plein centre sur la dalle du Colombier, qui s’adresse à une communauté d’étudiants, d’amateurs d’arts, ou encore le Praticable, rue des Portes Mordelaises, un espace autogéré très intéressant » explique François Piron. « Ces lieux composent à leur manière la scène artistique rennaise. C’est le rôle de la biennale de les mettre en lumière ».
Des lieux qui viennent compléter la géographie de l’art contemporain à Rennes, aux côtés d’adresses où la biennale a traditionnellement ses quartiers, comme la Halle de la Courrouze, le Musée des Beaux-Arts, le FRAC Bretagne, la Criée centre d’art contemporain, la galerie d’Art et Essai, ou 40mcube Outside. L’objectif est de proposer un parcours dans la ville, pour étonner les spectateurs. « La biennale se dissémine dans une dizaine de lieux : chaque exposition a sa propre cohérence et tonalité, mais tout est relié. Le spectateur, par son parcours, fait le lien entre les œuvres. C’est tout l’enjeu de la biennale : tisser un lien à travers la diversité des artistes pour créer une atmosphère commune ».
29 artistes invités

Parmi les 29 artistes invités cette année, les styles sont en effet très variés. Entre le vidéaste Ed Atkins installé à Berlin, l’artiste new-yorkaise Trisha Donnely, méconnue en France, de même qu’Anna Oppermann avec ses grandes installations, les films en 16mm du suisse Klaus Lutz, l’installation de Mélanie Gilligan et les sculptures monumentales de Mark Manders qui seront exposées au Musée des Beaux-Arts, la Biennale 2016 propose une variété d’œuvres et de propositions dans la ville.
Un parcours artistique dans la ville

« Dans le cadre de la biennale nous avons voulu faire apparaître des oeuvres dans l’espace public » détaille le commissaire. « Une des œuvres sera mobile et une fois par semaine elle viendra surprendre le public hors des lieux d’arts conventionnels, dans des lieux de transaction, de circulation publique. Par exemple devant la bibliothèque universitaire quand les étudiants sont présents, un samedi sur le mail François Mitterrand, ou les jours de marché dans les quartiers ». Autre pont artistique attendu, celui tendu dans la cour du Musée de la Danse qui tentera de répondre à une question mystérieuse : « est-ce qu’un danseur danse quand il dort ? ». Le happening de Jean Pascal Flavien animera la cour, de jour comme de nuit, en présence ou en absence du public.

Des artistes au travail : l’ère du « faire »
Le lien avec le monde de l’économie et du travail s’exprime également par la mise en scène du travail de l’artiste. Une « théâtralisation du geste de l’atelier » à laquelle François Piron est attaché. « J’ai voulu montrer des artistes au travail. La biennale produit quasiment deux tiers des œuvres présentées, elles sont faites en ce moment, en temps réel. La biennale n’a rien à voir avec une rétrospective, les œuvres sont fabriquées spécifiquement pour des lieux précis. Beaucoup des 29 artistes présentés cette année ont une pratique d’atelier, ils fabriquent des choses, s’approprient des chaines de fabrication. Alors qu’à une période de l’art contemporain, l’accent était mis sur le concept, nous avons aujourd’hui toute une génération d’artistes qui reprend l’idée du faire »
Autre touche apportée par la direction artistique de la 5ème biennale : un choix d’artistes éclectique, dont certains sont totalement inconnus et pour beaucoup, « déracinés ». « L’économie et la globalisation génèrent des effets de migration, un recentrage autour des capitales » rappelle François Piron. « Beaucoup d’artistes sont entre deux lieux : entre un lieu d’origine et un lieu où ils travaillent. Esthétiquement et affectivement cela produit des formes et des idées ».
La venue d’artistes aussi différents pour la biennale confirme que Rennes est un territoire à part dans l’art contemporain. L’ancien étudiant rennais en est convaincu : « Rennes est connue pour la musique, le théâtre, la danse… elle mérite aussi d’être reconnue dans le domaine de l’art contemporain ».

François Piron, de retour à Rennes, 25 ans après
Critique d’art, éditeur et directeur artistique indépendant, François Piron a dirigé pendant 5 ans les Laboratoires d’Aubervilliers. Il est également co-fondateur l’espace d’art indépendant castillo/corrales à Paris et responsable du post-diplôme de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon. Diplômé de l’Université de Haute-Bretagne (Rennes 2), il redécouvre avec la Biennale la ville où il a fait ses études.
« A Rennes, un quart de la population a éternellement 20 ans »
« La ville a changé, elle s’est étendue avec une logique de métropole, néanmoins je retrouve ce que je crois être le principal champ de Rennes : une ville qu’on peut beaucoup pratiquer à pied » confie François Piron. « Une ville qui reste singulière par sa population étudiante. A Rennes, un quart de la population a éternellement 20 ans…» Si la ville a changé, l’ex-étudiant y a toujours ses repères. « J’ai une affinité particulière avec certains lieux de sociabilité. Rennes est très agréable pour son côté sociable et c’est une grande ville de bars ! Des endroits comme le Café du port sont très importants pour moi, j’y croise à la fois des gens que j’ai envie de voir et je rencontre de nouvelles personnes avec lesquelles des discussions se nouent ».
« On trouve vite ses bonnes adresses à Rennes »
François Piron apprécie également la bistronomie à la rennaise. « On mange bien à Rennes, dans des restaurants abordables qui ne sont pas ségrégatifs en termes de budget. Je découvre des tables agréables avec une conception presque artistique de leur projet. Notamment à L’Arsouille. Je trouve vraiment génial d’avoir un endroit gourmand aussi précis à Rennes. C’est un lieu qui essaie de transmettre une idée des bons produits, une finesse de conception dans une ambiance très sympathique où on discute avec le patron » raconte François Piron. « On trouve très vite ses bonnes adresses à Rennes, on a envie d’y rester, envie d’y revenir ».